Du Dash 8 contemporain de De Havilland au taxi volant futuriste de Bell. Du complexe Commerce Court, à Toronto, à la tour Shanghai. Des éoliennes et des ponts aux yachts de la Coupe de l'America. Depuis 1970, la soufflerie de 9 m du CNRC teste l'aérodynamisme des véhicules et des ouvrages aériens, marins et terrestres du monde entier.
Quiconque roule sur la promenade de l'Aéroport, à Ottawa, ne peut le manquer : un immense tube blanc greffé à un édifice imposant. Pourtant, rares sont ceux qui le savent : à l'intérieur de ce tube se dissimule l'une des plus grandes souffleries de la planète. Et dans cette soufflerie, des fabricants testent en secret de futurs véhicules et divers ouvrages, tels des bâtiments ou des viaducs.
Le vent qui agite les maquettes fixées dans l'installation souffle presque aussi fort qu'une tornade ou un ouragan. Stationnaires, les camions de transport et les voitures de tourisme sont arrimés à un tronçon de chaussée mobile, sorte de tapis roulant qui simule de façon réaliste les conditions de la route. Enfin, les pièces de sous-marins et de voiliers peuvent y être étudiées à sec, l'air remplaçant l'eau qui s'écoule autour d'elles.
Avec son cinquantenaire, cette année, la soufflerie de 9 m est la plus grande des 6 qu'exploite le Centre de recherche en aérospatiale du Conseil national de recherches du Canada (CNRC). En soi, l'installation mesure 274 mètres de longueur pour un volume d'environ 47 000 m3 (l'équivalent approximatif de 18 piscines olympiques). La section qui sert aux essais dispose d'un espace de 9 m sur 22,9 m, avec un plafond de 9 m de haut. Au cours des cinq dernières décennies, la soufflerie a joué un rôle déterminant dans les secteurs canadiens de l'aéronautique, des transports de surface et du bâtiment en mettant à la disposition des entreprises une vaste installation de recherche multifonctionnelle.
Selon Adam Kirchhefer, ingénieur spécialisé au CNRC, la soufflerie a surpassé son objectif original, qui était de tester les avions et les hélicoptères à l'atterrissage et au décollage sur de courtes distances. « Dans les années 1990, dit-il, nous en avons étendu les services afin d'inclure les essais sur l'aérodynamisme des véhicules terrestres. Depuis, nous sommes plus occupés que jamais, car la soufflerie permet de tester toute une gamme de véhicules ou d'ouvrages aériens, terrestres ou sous-marins, dont la performance dépend de leurs propriétés aérodynamiques. »
M. Kirchhefer signale qu'au départ, la soufflerie produisait des vents uniformes, semblables à ceux que l'on observe à haute altitude. « Au sol, le vent souffle toujours par rafales. Il est plus violent, plus turbulent. Un changement majeur à l'installation nous a permis de reproduire celui qu'affrontent les véhicules routiers et ferroviaires, les immeubles et les ponts. »
Lorsque le caoutchouc et le bitume se rencontrent
Pour que les véhicules terrestres consomment moins de carburant et libèrent moins de gaz à effet de serre (GES), comme l'exige la réglementation désormais, l'industrie s'est notamment efforcée d'en réduire la résistance au vent. « Produire de fortes bourrasques nous permet d'obtenir des estimations nettement plus fiables, ce qui aide les fabricants à adhérer aux politiques de Transports Canada (TC) et d'Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) », explique Brian McAuliffe, chercheur au CNRC. Dans le cadre de collaborations avec la United States Environmental Protection Agency, son équipe travaille aussi avec TC et ECCC pour aider les 2 ministères à établir le type de règlements qui convient. « En plus de concevoir des tests inédits, nous avons construit le modèle réduit à trente pour cent d'un camion auquel il est possible d'atteler une remorque de grandeur réelle pour des essais qui reflète davantage la réalité. »
Gestionnaire de projet pour les camions suédois Volvo, les camions Navistar nord-américains et maints créateurs de technologies pour remorques, M. McAuliffe a piloté un nombre considérable de recherches qui visaient à réduire la consommation de carburant de larges flottes. Il a ainsi touché un peu à tout, comme utiliser la route roulante pour vérifier les technologies qui réduisent la friction de l'air, tels les déflecteurs et les carénages, dans diverses conditions. « Nous avons montré qu'il était possible de diminuer la quantité de carburant brûlée et les émissions de GES de 15 % », ajoute-t-il.
Au fil des ans, M. McAuliffe a aussi vu divers clients du Centre de recherche sur l'automobile et les transports de surface apporter des produits de la concurrence en vue d'analyses comparatives. « Cela leur permet d'établir rapidement quel produit est le meilleur, et dans quelle mesure, poursuit-il. Si la concurrence a pris de l'avance, ils ont alors la chance d'apporter des modifications à leur propre modèle dès la conception, pour s'assurer qu'il sera sinon supérieur, du moins équivalent. » Le chercheur souligne que les clients de la soufflerie n'ont aucune appréhension à le faire, car le CNRC est tenu au secret professionnel. L'organisation est impartiale et se borne à fournir des données fiables, de très grande qualité.
Plan de vol vers l'avenir
Les taxis volants ne datent pas d'hier dans la science-fiction, mais ils pourraient devenir une réalité grâce à l'entreprise québécoise Bell Textron Canada limitée, à Mirabel, dont les essais sur un système de propulsion pour un tel véhicule ont été couronnés de succès dans la soufflerie de 9 m du CNRC.
« Bell s'est adressé à nous parce que notre soufflerie est la seule assez spacieuse en Amérique du Nord pour les essais à l'échelle que requérait l'évaluation de son système de propulsion », explique Catherine Clark, chercheuse au CNRC et gestionnaire du projet Bell. « Les résultats ont servi à créer le prototype de taxi volant urbain qu'ils ont dévoilé au Consumer Electronics Show de 2019. »
Mme Clark parle d'un projet « d'une complexité extrême », qui a obligé une équipe passablement importante de Bell et du CNRC à entreprendre ensemble des recherches qui ont duré sept mois, y compris 6 semaines en soufflerie. « La maquette était énorme et, en plus de son aérodynamisme, nous avons dû en vérifier l'acoustique, car le véhicule doit voler sans bruit », explique-t-elle. Les taxis volants sont particulièrement complexes, car ils doivent bien fonctionner autant lorsqu'ils se déplacent qu'en vol stationnaire. « Nous avons testé le système de propulsion quand il fait face au vent, quand il vole sur place et quand il passe d'un mode à l'autre ».
D'après Edith Richard, directrice de l'innovation chez Bell, l'entreprise et le CNRC entretiennent des liens de longue date. « Le CNRC jouit d'une réputation enviable dans l'industrie aéronautique et nous sommes fiers de travailler avec un partenaire canadien sur des produits canadiens, affirme-t-elle. La recherche nous aide à faire avancer des technologies qui amélioreront le vol vertical et y apporteront des innovations. »
Même si la maquette du taxi volant de Bell avait des proportions réelles, Mme Clark précise que les maquettes peuvent venir en toute taille. « La plupart des clients nous apportent la leur et nous déterminons la meilleure façon de l'installer dans la veine d'essai, explique-t-elle. Cependant, il nous arrive aussi de la fabriquer nous-mêmes grâce aux Services de conception et de fabrication du CNRC, si le client le souhaite. »
Tout est possible
Kevin Cooper, chercheur et gestionnaire de la soufflerie à la retraite, a vu bien des projets inusités du Canada et de l'étranger au cours des dernières décennies, au Centre de recherche en aérospatiale du CNRC. Parmi eux figuraient des enquêtes sur l'aéroélasticité de bâtiments et de viaducs, sur le renversement de conteneurs transportés par train et sur l'aérodynamique de dragsters, de voitures de course et de simples automobiles.
L'un des projets les plus surprenants est venu de France. On a demandé aux chercheurs de la soufflerie de vérifier l'effet de la force du vent sur les parasols de 6 mètres de hauteur et de 8,7 m de diamètre réalisés par Christo pour une installation en Californie et au Japon. Selon M. Cooper, les 3 000 parasols employés par ce célèbre artiste de l'éphémère devaient résister à des vents de 88 kilomètres à l'heure une fois ouverts et de 177 kilomètres à l'heure, fermés. Les essais de stabilité sur la maquette, dans la soufflerie de 9 m, ont permis de vérifier la résistance au vent des parasols avant leur déploiement.
« Les recherches réalisées dans la soufflerie ont eu un impact incalculable sur l'industrie, le progrès technologique et l'élaboration de politiques tout au long de son évolution qui s'échelonne sur un demi-siècle », conclut M. Cooper. « Et je présume que la grande diversité des intérêts et de l'expertise de la formidable équipe d'ingénieurs et de techniciens du CNRC continuera de propulser avec éclat cette installation dans l'avenir. »
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