Avions renifleurs, comètes nauséeuses, hélicoptères à commandes de vol électriques, détecteurs de givrage pour aéronefs, simulateurs de l'expérience vécue par les passagers et les membres de l'équipage… voilà seulement quelques-uns des outils concoctés par l'imagination survoltée du personnel du Laboratoire de recherche en vol du Conseil national de recherches du Canada (CNRC). Les contributions actuelles et passées du laboratoire à l'aéronautique sont tout simplement prodigieuses… et les indicateurs de vol annoncent que tout est prêt pour un décollage vers une ère nouvelle.
C'est une journée comme les autres au Laboratoire de recherche en vol et peut-être verrez-vous de futurs astronautes grimper à bord d'un Falcon 20 pour expérimenter l'apesanteur le long d'une trajectoire riche en haut-le-cœur. Sans doute verrez-vous aussi des pilotes d'hélicoptère tester le système de commandes électriques révolutionnaire inventé au CNRC qui simplifie leurs tâches en remplaçant les commandes manuelles de l'appareil par une interface électronique. Enfin, par une froide nuit d'hiver, peut-être verrez-vous un Convair 580 bardé de capteurs à ultrasons et de radars traverser le ciel au-dessus des eaux glacées des Grands Lacs lors d'une étude sur les risques du givrage, mortels pour laviation.
Désormais partie intégrante du Centre de recherche en aérospatiale du CNRC, le Laboratoire de recherche en vol a été né à la base d'Arnprior (Ontario) de l'Aviation royale canadienne (ARC) en 1946. Dans ces temps, le laboratoire a d'abord fait partie de la Division du génie mécanique du CNRC. C'est ce dernier qui en dirigeait les activités scientifiques à l'époque, l'ARC fournissant les appareils ainsi que le personnel de navigation et d'entretien. L'idée était que les scientifiques formés pour la recherche en vol et pourvus de l'équipement adéquat puissent effectuer de la recherche fondamentale à l'écart de la circulation aérienne ordinaire. Trois souffleries permettaient d'étudier la performance des aéronefs de taille réelle en vol.
En 1953, le laboratoire déménageait pour occuper son site actuel, à l'aéroport international Macdonald‑Cartier d'Ottawa. Depuis, le CNRC n'a cessé d'investir dans diverses installations comme les souffleries, les tables de vibration électrodynamiques, les centres d'essai sur le givrage des moteurs et les systèmes d'imagerie hyperspectrale. Grâce à ces apports, le laboratoire s'est spécialisé à tel point que ses aéronefs réalisent des prouesses que peu d'appareils peuvent imiter – et, par la même occasion, il s'est taillé une réputation enviable dans le milieu mondial de la recherche en aéronautique.
Le passé, à vol d'oiseau
En l'espace de 75 ans, les recherches du CNRC sur la mécanique du vol et en avionique ont connu une myriade de succès qui ont perfectionné les aéronefs et rendu les vols en avion plus sûrs.
Une des inventions majeures du Laboratoire de recherche en vol date d'il y a près de 65 ans. Il s'agit du précurseur de la fameuse « boîte noire ». Toujours en usage au Centre de dépouillement des enregistreurs de vol lors des enquêtes sur les accidents et les incidents qui sont menées par les forces armées canadiennes, cette technologie permet de décrypter les données et les conversations enregistrées dans la cabine de pilotage en vue d'accroître la sécurité aérienne.
Le Nord du Canada est le lieu idéal pour étudier les formations de neige et de glace qui mettent les aéronefs en péril. Dans le cadre d'une de ces études, menée à l'ancienne base militaire de North Bay, en Ontario, on avait émaillé le tarmac d'amas de neige pour jauger des paramètres comme la friction, la gadoue, la neige et la glace au décollage et à l'atterrissage. « Un pilote a imaginé une formule qui mesure nettement mieux ces éléments, ce qui a sensiblement accru la sécurité », révèle Per Talgoy, gestionnaire de l'assurance de la qualité au Laboratoire de recherche en vol du CNRC. Baptisé depuis « coefficient canadien de frottement sur piste », tous les aéroports du Canada utilisent à présent cette formule afin que les avions décollent et atterrissent en toute sécurité sur les pistes tapissées par la pluie, la glace ou la neige.
Le Laboratoire de recherche en vol a également adapté des technologies de l'aéronautique pour les appliquer à une gamme d'études scientifiques. Depuis les années 1990, par exemple, les recherches sur l'atmosphère recourent à la télédétection et à des techniques in situ. Les observations qu'on en a retirées ont aidé les chercheurs du monde entier à mieux comprendre les phénomènes météorologiques et le dérèglement climatique, ainsi qu'à exploiter ces connaissances afin de rehausser la sécurité. Une série de projets internationaux sur le givrage des aéronefs, notamment, a engendré des lignes directrices innovantes sur la traversée des nuages, directives qu'on a par la suite intégrées aux exigences de certification auxquelles doivent se plier les nouveaux aéronefs. Environnement et Changement climatique Canada, Transports Canada, la NASA, la Federal Aviation Administration des États-Unis, l'Agence spatiale européenne et plusieurs universités ont collaboré à ces travaux.
Les plateformes aéroportées et les capteurs comme les imageurs hyperspectraux ont aussi prouvé leur utilité dans la détection et la quantification des phénomènes biologiques, géologiques et géophysiques sur la Terre. Ainsi, on s'en sert pour repérer les points chauds où pourrait se déclencher un feu de forêt, pour recenser la faune et pour déceler les puits d'azote ou les dégagements de carbone. Cette technologie a aussi transformé le vénérable chasseur à réaction T-33 du CNRC en « avion renifleur ». À présent, l'appareil vole dans le sillage des avions de ligne commerciaux pour mesurer la pollution et leurs émissions de gaz à effet de serre. Le T-33 peut également évaluer les turbulences qui secouent parfois un avion de manière inattendue et peuvent blesser les passagers ainsi que les membres de l'équipage non sanglés dans leur ceinture de sécurité.
Pour Malcolm Imray, ingénieur en navigabilité du Centre de recherche en aérospatiale, les levés aériens en géophysique ont progressé de manière incroyable grâce aux réalisations du Laboratoire de recherche en vol, réalisations auxquelles ont collaboré diverses organisations comme la Commission géologique du Canada ou Recherche et développement pour la défense Canada. « Le Canada, affirme-t-il, est devenu une des principales nations à proposer des services de levés électromagnétiques aéroportés et les entreprises qui ont participé à l'aventure ont connu une brillante réussite. »
Expansion dans l'espace
Le CNRC effectuait déjà des recherches sur l'espace avant la fondation de l'Agence spatiale canadienne, en 1989. C'est lui qui a formé les astronautes canadiens sur le T-33, avec la NASA et d'autres partenaires. Aujourd'hui, le Laboratoire de recherche en vol continue d'appuyer les activités de l'Agence spatiale canadienne dans les sciences et les technologies de l'espace, ainsi que dans le cadre du programme des astronautes ou du développement de satellites, voire de systèmes robotisés tels ceux qu'emploie le Canadarm. Au fil des ans, ces travaux ont englobé des essais de qualification sur les engins spatiaux dans des conditions qui simulaient le tumulte et les vibrations d'un lancement. Le laboratoire a aussi réalisé des expériences de microgravité en avion en vue d'atténuer les risques que pourrait poser l'équipement servant à prélever des échantillons biologiques dans la Station spatiale internationale.
Situé à l'Aéroport international d'Ottawa, le Laboratoire de recherche en vol se veut un « guichet unique » pour tout ce qui a trait à l'aérospatiale. Ses 3 bâtiments abritent un bureau d'étude, un atelier pour les composites et un laboratoire d'instrumentation, sans oublier des équipes d'ingénieurs en navigabilité, du personnel d'entretien, des pilotes d'essai, des ingénieurs d'essai en vol et des scientifiques.
Transports Canada a autorisé le laboratoire à modifier considérablement ses appareils à des fins scientifiques. « Notre flotte est expérimentale. Puisque nous disposons de l'expertise voulue sur les lieux, nous pouvons effectuer sans délai les vols d'essai que souhaitent nos clients ou nos collaborateurs », explique M. Imray. « Nous installons l'équipe chargée de l'expérimentation dans un appareil soigneusement instrumenté et nous prenons l'air dans des conditions que rencontrent rarement les avions commerciaux et leur équipage. »
Plan de vol pour l'avenir
Avec sa Stratégie pour un gouvernement vert, le gouvernement canadien souhaite atteindre la carboneutralité d'ici l'an 2050, ce qui a rendu le développement et l'essai de carburants de remplacement et de sources d'énergie propres prioritaires pour le CNRC. C'est pourquoi son Falcon 20 est devenu le premier jet civil au monde à accomplir un vol uniquement avec du biocarburant fabriqué par Agrisoma à partir d'oléagineux cultivés au pays. Plus récemment, le Laboratoire de recherche en vol et le Laboratoire sur les turbines à gaz se sont associés au Centre de recherche sur l'énergie, les mines et l'environnement, aux Services de conception et de fabrication, au Centre de recherche en construction de même qu'au Centre de recherche sur l'automobile et les transports de surface, tous du CNRC, pour transformer un Cessna 337 en avion électrique hybride.
Outre ces études techniques, le Laboratoire de recherche en vol et ses partenaires restent constamment à l'affût de moyens susceptibles de rendre les déplacements en avion plus sûrs et plus salubres pour l'être humain. « Nous prélevons et enregistrons des données objectives comme la réaction de l'organisme aux vibrations et au bruit dans un hélicoptère », explique Shelley Kelsey, agente principale de recherche et cheffe intérimaire de l'équipe qui étudie les paramètres humains. « Nos découvertes amélioré l'affichage et la symbologie, notamment grâce à un système d'affichage intégré au casque qui permet au pilote de naviguer en toute sécurité, même quand la visibilité se dégrade, comme dans les épisodes de voile blanc. »
Ces succès ont mené à la récente inauguration du Centre pour la recherche sur les voyages aériens, première installation au monde où il est possible d'étudier et d'améliorer l'expérience vécue par les passagers dans son intégralité, c'est-à-dire l'arrivée à l'aérogare, l'enregistrement, le dépôt des bagages, le contrôle de sécurité, l'embarquement, le vol proprement dit, le débarquement, la vérification des documents, la récupération des bagages et le départ de l'aéroport, à destination. Les transporteurs aériens et les avionneurs peuvent adapter les installations du Centre en fonction de leurs besoins et s'en servir pour effectuer des recherches sur les passagers dans des conditions réalistes. Parce qu'elle rassemble des spécialistes en tout genre — physiologistes, psychologues, experts en facteurs humains et membres de l'industrie —, cette installation est en quelque sorte une plateforme d'innovation visant à répondre à cette question capitale : comment pourrait-on rendre les voyages en avion plus efficaces, plus agréables, plus accessibles et plus salubres que jamais, un aspect primordial de nos jours? Les résultats des travaux sur les passagers aideront les lignes aériennes, les avionneurs et les universités à développer et à évaluer de nouveaux concepts d'une manière rentable.
Pour que l'industrie canadienne de l'aéronautique s'épanouisse sur les nouveaux marchés, le CNRC investit également dans des technologies émergentes comme les jumeaux numériques, les architectures de rupture ou la fabrication par addition/soustraction. Les systèmes autonomes tels les drones et les hélicoptères à pilotage automatique suscitent beaucoup d'intérêt présentement. Bien qu'elles promettent d'énormes améliorations sur le plan sociétal, ces innovations soulèvent toutefois des difficultés inédites, entre autres le partage de l'espace aérien qu'occupent déjà les véhicules transportant des passagers. La technologie à bord des avions et des hélicoptères dotés d'un équipage doit, par exemple, aider le pilote à éviter une collision avec les drones.
Par sa collaboration avec des géants de la recherche aéronautique comme la NASA, le Centre aérospatial d'Allemagne et l'Agence d'exploration de l'espace du Japon, le Laboratoire de recherche en vol a, tout au long de son histoire, nettement contribué de façon durable à la recherche en vol. « Le laboratoire a multiplié les réalisations uniques, de longue durée, à l'aérospatiale et est bien placé pour prendre plus d'essor dans l'avenir », affirme Kirk Shaw, directeur de la recherche et du développement. « Avec ce que nous avons investi dans les scientifiques et les ingénieurs, les technologies de pointe et de nouveaux appareils, mais aussi grâce à la collaboration exceptionnelle de l'industrie, des universités et des ministères fédéraux, sans oublier celle des organisations internationales de R-D, le Laboratoire de recherche en vol continuera de conquérir des territoires inconnus. »
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