Une croisière atypique : collecte de phytoplancton pour la santé des océans

- Halifax, Nouvelle-Écosse

Lancement d'une rosette d'échantillonnage de l'eau à bord du RV Coriolis II pendant la mission en mer dans le golfe du Saint-Laurent en juin 2022. Photo par Jörg Behnke.

Après une mission en mer de deux semaines dans le golfe du Saint-Laurent, le navire de recherche canadien de 50 mètres RV Coriolis II a accosté à Rimouski, au Québec, à la fin du mois de juin 2022. Ce n'était toutefois pas une croisière de luxe. En effet, plus d'une douzaine de scientifiques qui avaient travaillé jour et nuit à la collecte de centaines d'échantillons d'eau pour l'analyse chimique et l'isolement du phytoplancton ont débarqué avec leurs prises. Deux des participants à la mission en mer, Caroline Chénard et Jörg Behnke, du Conseil national de recherches du Canada (CNRC), ont immédiatement apporté les échantillons de phytoplancton à leur laboratoire du Centre de recherche en développement des cultures et des ressources aquatiques, à Halifax (Nouvelle-Écosse), pour qu'ils y soient examinés et testés de plus attentivement.

Le phytoplancton : une source de vie

Le phytoplancton contribue à la production et au maintien de la vie sur Terre en fournissant de la nourriture aux organismes marins qui sont ensuite consommés par d'autres organismes marins et, finalement, par l'homme. Comme les arbres sur la terre ferme, ils produisent leur énergie par photosynthèse créant ainsi plus de 50 % de l'oxygène que nous respirons.

Toutefois, l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre entraîne dans les océans une hausse de la température de l'eau de mer et une diminution constante du pH (acidification). Ces changements peuvent avoir un effet néfaste sur certaines communautés phytoplanctoniques et leur rôle dans l'alimentation des espèces vitales.

Heureusement, le phytoplancton peut également être utilisé pour surveiller la santé des océans et l'impact naturel et anthropique sur la vie marine. Les activités humaines peuvent entraîner des déversements d'hydrocarbures, de la pollution ou des écoulements provenant de centres urbains ou d'exploitations agricoles. D'autres impacts anthropiques ainsi que des phénomènes naturels influencent la température, la salinité ou l'acidification des océans.

Parce qu'elles changent constamment et s'adaptent rapidement à leur environnement, certaines espèces de phytoplanctons peuvent agir comme des météorologues pour prédire les menaces sur la santé des océans. L'étude d'une série d'échantillons aidera les chercheurs à déterminer quelles espèces sont les meilleurs indicateurs de la santé de l'océan et la façon de tirer parti de leurs réactions pour le bien de l'océan.

Collecte d'échantillons d'eau pour la génomique du phytoplancton pendant la mission en mer de recherche dans le golfe du Saint-Laurent en juin 2022. Photo par Jörg Behnke.

« Pour mieux comprendre la réaction de ces communautés phytoplanctoniques indigènes aux facteurs de stress environnementaux et au changement climatique, nous devons disposer d'échantillons représentatifs de la biodiversité et des conditions des eaux canadiennes et les étudier, explique Stephen O'Leary, chef d'équipe, Génomique algale et biologie synthétique, CNRC. Cette recherche de pointe donne lieu à de nouveaux niveaux d'information qui nous aident à atténuer les dangers pour l'environnement marin, par exemple en sachant quand réduire l'activité industrielle dans une zone touchée. »

Cependant, le CNRC ne peut y arriver seul : l'équipe du Centre de recherche en développement des cultures et des ressources aquatiques collabore avec une étroite communauté de scientifiques et d'organismes partenaires pour mettre en commun équipement et expertise.

Naviguer en douceur avec des collaborateurs

Le CNRC s'est allié au ministère des Pêches et des Océans (MPO), au Réseau d'observation, de prévision et d'intervention en matière d'environnement marin (MEOPAR) et à plusieurs universités pour recueillir des échantillons de phytoplancton dans l'océan lors de plusieurs missions en mer dans les eaux canadiennes. Comme le CNRC ne dispose pas de ses propres navires de recherche océanographique ni de son propre matériel d'échantillonnage, le partenariat avec le MPO et d'autres organisations canadiennes, comme MEOPAR, pour accéder à de telles ressources est un élément essentiel de la réussite.

La première de ces missions en mer sur le NGCC Hudson a été effectuée en août 2021 entre Dartmouth, en Nouvelle-Écosse, et la baie de Plaisance, à Terre-Neuve-et-Labrador. La deuxième mission en mer sur le RV Coriolis II en juin 2022 a eu lieu dans le golfe du Saint-Laurent. Une autre mission en mer dans le golfe du Saint-Laurent aura lieu cet automne sur l'Atlantic Condor, qui exploitera l'infrastructure modulaire de recherche océanique.

Les chercheurs à bord de la mission en mer de juin 2022 provenaient du CNRC, de l'Université Dalhousie à Halifax, de l'Université de la Colombie-Britannique, de l'Université du Québec à Rimouski et du GEOMAR Helmholtz Centre for Ocean Research Kiel en Allemagne.

Selon Caroline Chénard, agente de recherches au Centre de recherche en développement des cultures et des ressources aquatiques, ce vaste partenariat a apporté au projet un réseau d'excellence en recherche. « Travailler avec des chefs de file de diverses disciplines permet d'avoir une perspective élargie des facteurs qui affectent la santé des océans — et accélère notre capacité à concevoir des remèdes », dit-elle, soulignant que le CNRC apporte son expertise en matière de caractérisation du phytoplancton et de la génomique. D'autres organismes fournissent des chimistes océaniques et des spécialistes de l'environnement qui mesurent des paramètres comme la température, les nutriments et les concentrations d'oxygène.

Ces expéditions sont aussi une excellente possibilité d'ajouter de nouvelles espèces de phytoplanctons à la collection de cultures du CNRC, ce qui permettra d'élargir la collection de phytoplanctons. Du même coup, cela permettra d'élargir la bibliothèque de phytoplancton, qui contient des ressources précieuses que les chercheurs et les collaborateurs du CNRC pourront utiliser dans leurs futures activités de recherche et dans le développement de technologies.

Les recherches menées dans les trois grands océans du Canada ont une portée mondiale. « Ce que nous apprenons ici est très important pour nous, mais il faut également le comparer à ce qui se passe dans d'autres parties du monde, car les océans sont tous reliés », ajoute Mme Chénard.

De l'éprouvette aux outils

Pour hausser les prévisions d'un cran, les chercheurs ont commencé à mettre au point des biocapteurs qui peuvent être déployés avec des capteurs plus traditionnels de température, de chimie de l'eau et de lumière pour fournir des informations en temps réel sur les changements dans la communauté biologique de l'océan. L'information rapide qu'ils fournissent peut aider l'industrie et les organismes de réglementation à prévoir les évènements susceptibles de nuire à la santé des océans et à réagir en temps utile.

Par exemple, les industries de la pêche à grande échelle et de l'extraction des ressources pourront suivre les tendances de la chimie et de la productivité des océans, et les organismes de réglementation pourront surveiller les répercussions des industries proches des côtes sur l'environnement océanique. Cela implique de vérifier des problèmes tels que la contamination, les changements de température et l'état des nutriments.

« La capacité de prévoir la santé des océans est importante pour les collectivités du monde entier, déclare M. O'Leary. Nous devons être les gardiens des eaux océaniques autour du Canada, tout en restant à la pointe des meilleures pratiques scientifiques disponibles. Nous devons également trouver des moyens de contribuer, grâce aux nouvelles technologies et informations, à l'amélioration des pratiques scientifiques dans le monde entier. »

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