Lorsqu'on parle de stockage d'énergie, on pense le plus souvent aux piles, à l'air comprimé ou aux volants d'inertie. Cependant, la conversion de l'électricité en gaz (P2G) se faufile de plus en plus dans la conversation, en Amérique du Nord.
De l'autre côté de l'Atlantique, les Européens considèrent la P2G comme une composante sérieuse dans le tableau du stockage de l'énergie, ainsi qu'en témoigne le consortium de onze grandes sociétés d'énergie à l'origine de la plateforme P2G de la mer du Nord, qui devrait nous rapprocher d'un approvisionnement en gaz naturel sans empreinte carbone en 2050.
Sur le continent nord-américain, on néglige fréquemment la conversion de l'électricité en gaz, soit parce qu'on juge cette technologie trop onéreuse ou complexe, soit parce que l'infrastructure fait défaut. Avant d'écarter totalement cette possibilité cependant, il faut absolument comprendre certains impératifs techniques à l'origine de son adoption et les situations dans lesquelles la P2G devient une solution intéressante pour stocker l'énergie excédentaire.
Qu'est-ce que la conversion de l'électricité en gaz (P2G)?
Cette technologie consiste à produire de l'hydrogène en faisant traverser un courant électrique dans de l'eau renfermant des ions (électrolyse). À maints égards, elle ressemble au fonctionnement d'une pile à combustible à l'envers. Les électrolyseurs les plus couramment employés reposent sur la technique de la pile à combustible alcaline ou à membrane échangeuse de protons, deux procédés qui produisent de l'hydrogène pur à 99,9 %. Après production, l'hydrogène peut être stocké presque indéfiniment dans des réservoirs ou être injecté au gaz naturel pour réduire la teneur en carbone d'un des combustibles les plus utilisés dans le monde.
Plus tard, lorsqu'on aura besoin d'énergie, l'hydrogène stocké sera récupéré pour fabriquer de l'électricité dans une centrale au gaz, dans une pile à combustible ou avec la plupart des autres procédés qui recourent présentement au gaz naturel.
Pourquoi envisager la P2G?
La P2G présente certains avantages comparativement aux autres technologies :
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Stockage prolongé : Avec des électrons intemporels, on songe à mettre de l'énergie de côté pour les périodes de crête, soit d'une heure à une autre ou entre la nuit et le jour. L'efficacité du stockage de l'hydrogène dans le gaz naturel permet toutefois d'élargir la gamme des possibilités au moment de dresser les plans annuels en matière d'énergie (pensez, par exemple, à stocker l'énergie printanière afin de répondre aux pics de la canicule estivale, voire à transférer la faible consommation de l'été de manière à satisfaire la demande hivernaleNote de bas de page1).
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Imposante infrastructure du gaz naturel : Dans certains cas, la P2G peut tirer parti du réseau de distribution existant du gaz naturel. Il est alors possible de recourir aux éléments et aux technologies qui sous-tendent ce réseau, ce qui assure un stockage réparti de l'énergie sans qu'on ait à bâtir d'autres grandes infrastructures. De cette façon, on contournera certains problèmes de localisation que posent d'autres technologies de stockage à long terme et l'on s'épargnera les complexités associées à la gestion d'un système en « temps réel » comme le réseau d'électricité.
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Préoccupations moins grandes sur le plan de la capacité : Avec un accès direct au réseau de gaz naturel, la P2G peut contribuer à stocker une grande quantité d'énergie des sources à production variable comme le vent et le soleil, cela afin de répondre sur-le-champ à la demande. La plupart des études indiquent qu'on pourrait stocker des térawatts d'électricité avec la P2G, même si l'on n'injecte que 2 % d'hydrogène dans le gaz naturel.
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Synergie avec les autres systèmes énergétiques : Les technologies des véhicules non mus par l'essence prenant de la vitesse, les sources renouvelables d'hydrogène gagnent en importance. La P2G est assurément une option à envisager pour le rechargement des piles à combustible dans les véhicules, mais aussi pour des procédés industriels qui pourraient utiliser directement l'hydrogène au lieu de le fabriquer à partir d'autres sources.
Que doit-on considérer d'autre?
Comme c'est le cas pour toutes les technologies naissantes, de nombreux points doivent être examinés lorsqu'on envisage ou déploie la P2G.
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Possibilités technologiques : Côté technologie, l'électrolyse de l'eau est un procédé bien connu depuis plus de deux siècles. Quelques types d'électrolyseurs sont déjà exploités ou en cours de développement, notamment les piles à combustible alcalines, celles à membrane échangeuse de protons et celles à oxyde solide. Chacune a ses avantages et ses inconvénientsNote de bas de page2, aussi l'utilisateur doit-il déterminer la technologie qui lui convient le mieux. Par ailleurs, la maturité des autres éléments dont est composé un système P2G va des essais en laboratoire à une technologie solidement établie dans le commerce.
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Configuration du système : Expression générique, la P2G englobe de nombreux systèmes et diverses configurations de stockage pouvant inclure les techniques d'électrolyse déjà mentionnées, le support servant à stocker l'énergie ou le dispositif employé pour produire l'énergie. Chaque configuration a ses bons et ses mauvais côtés. Il faut donc l'évaluer en fonction du site, du marché ou de l'utilisateur. Beaucoup de travail a été accompli pour optimiser ces filières, cependant on attend toujours qu'un véritable chef de file se manifeste sur le marché.
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Techno-économique : Des applications industrielles utilisent chaque année des milliards de mètres cubes d'hydrogène issus de la conversion du méthane, alors que moins d'un pour cent de ce volume dérive de l'électrolyse de l'eau. Pourquoi n'exploite-t-on pas davantage l'électrolyse, technologie qui est arrivée à maturité? Simplement à cause du coût et de la durabilité du procédé. Le défi consiste à amener la production d'hydrogène à l'échelle industrielle sur une base économique solide, c'est-à-dire sans perdre de vue les immobilisations, les frais d'exploitation, l'efficacité globale du procédé et sa pérennité.
La P2G a-t-elle du sens pour vous?
Pour savoir si la P2G constituerait une autre corde à votre arc en matière de stockage d'énergie, il convient d'examiner les forces et les faiblesses relatives de votre application ainsi que des autres technologies envisageables. On voudra peut-être se pencher un peu plus sur la P2G lorsqu'on se trouve dans une des situations que voici :
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Éloignement de la collectivité : Les communautés et les sites miniers reculés misent souvent sur le combustible diesel, un combustible qui coûte cher et qui se transporte souvent mal. Avec un accès facile à l'énergie solaire et éolienne, ces collectivités pourraient tirer parti d'un système articulé sur l'électrolyse et la P2G, dont le coût est comparable au transport du diesel.
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Existence d'une infrastructure pour le gaz naturel : Un des obstacles à la P2G, pense-t-on, a trait aux sommes qu'il faudrait investir pour mettre sur pied un système viable. Pourtant, de nombreuses régions du Canada possèdent déjà une infrastructure pour le gaz naturel. Recourir aux gazoducs existants pour stocker et transporter l'hydrogène a du sens, financièrement, surtout quand il y a des sources d'énergie renouvelable à proximité.
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Proximité de sources renouvelables et de l'infrastructure : Les provinces comme l'Alberta disposent d'importants réseaux pour le gaz naturel. En aménageant des éoliennes à proximité, l'énergie pourrait être convertie sur les lieux puis acheminée où l'on en a besoin.
Au final, « il s'agit d'une décision stratégique », affirme Kourosh Malek, directeur technique du programme de stockage de l'énergie du CNRC. « Comment la P2G se compare-t-elle aux autres solutions technologiques susceptibles de la remplacer? »
Quelles difficultés essayez-vous de surmonter? Existe-t-il des scénarios intéressants pour la P2G?
Une fois que vous le saurez, l'étape suivante consistera à réaliser une analyse technique et économique détaillée, et à déterminer les avantages précis qu'on tirerait de cette technologie. Il y a peu de temps encore, l'industrie appuyait peu les analyses de ce genre. Conformément à sa mission, qui consiste notamment à mettre sur pied un secteur du stockage de l'énergie plus compétitif au Canada, le CNRC collabore avec l'EPRI afin de créer un outil à l'intention de ceux qui lorgnent la P2G.
En 2015, le CNRC a entrepris des travaux avec l'EPRI et plusieurs partenaires de l'industrie pour perfectionner l'actuel ESVT (Energy Storage Valuation Tool ou outil d'évaluation du stockage de l'énergie) avec un modèle permettant d'évaluer les possibilités qu'offre la P2G.
De concert avec le département américain de l'Énergie, le National Renewable Energy Laboratory, Énergie atomique du Canada limitée, Enbridge, Hydrogenics et l'Electric Power Research Institute, et avec l'appui d'Industrie Canada, cet outil comblera une importante lacune et permettra d'explorer la viabilité et les avantages potentiels de la P2G.
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Elena Di Francesco, ing., MBA,Directrice, Développement des affaires (par intérim)
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