Du bureau au compost : l’électronique biodégradable est à nos portes!

- Montreal, Québec

Agriculture biologique. Moyens de transport carboneutres. Matériaux biosourcés. Déchets organiques compostables. Autant d'éléments emblématiques qui contribuent à l'économie verte et qui ont comme dénominateur commun le développement durable sans dégrader l'environnement.

Les déchets électroniques toxiques comme les piles, les téléphones et les ordinateurs peuvent encore terminer leur vie dans un site d'enfouissement et contribuer à la dégradation de l'environnement. Cela est toutefois sur le point de changer grâce à une technologie novatrice qui permettra de simplement composter le matériel électronique désuet!

Pour soutenir cette innovation, le Conseil national de recherches du Canada (CNRC) développe des matériaux verts de nouvelle génération qui serviront à fabriquer des dispositifs électroniques à partir de ressources naturelles renouvelables. L'eumélanine, soit le pigment de l'encre de seiche, est l'un de ces matériaux qui permettent de transformer les dispositifs électroniques en produits biodégradables (en anglais).

Vers une économie plus verte

Pour bâtir une économie verte, il faut de nombreux engrenages, surtout lorsqu'il est question de l'Internet des objets (IdO), soit les objets dotés de capteurs, d'une capacité de traitement et de logiciel pour communiquer avec Internet. Une fois devenus périmés, les microcapteurs, les processeurs et les autres composants technologiques sont mis aux déchets et se retrouvent dans les sites d'enfouissement ou pire, en pleine nature. Selon le Global E-Waste Monitor, d'ici à 2030, l'électronique représentera plus de 74,7 mégatonnes (Mt) de déchetsNotes de bas de page 1.

La clé d'une économie verte durable est incontestablement l'économie circulaire. Ce modèle de production et de consommation élimine le gaspillage à la source, réutilise les ressources et régénère l'environnement.

Illustration du cycle à la base de l'économie verte : partager, réutiliser, réparer, rénover et recycler les matières et les produits existants pour préserver la planète.

Selon Denis Rho, spécialiste en microbiologiste appliquée au Centre de recherche en développement des cultures et des ressources aquatiques du CNRC, l'une des clés pour créer une économie verte est de déterminer les matériaux qui peuvent être réutilisés pour fabriquer ou emballer des produits électroniques plus écologiques comme des piles et des capteurs et évaluer leur biodégradabilité (en anglais).

À lui seul, le Canada produit environ 31 millions de tonnes de déchets par année et ne recycle que 30 % de cette matièreNotes de bas de page 2. Le CNRC est toutefois déterminé à améliorer ces statistiques. « Le Canada dispose d'importantes quantités de biomasses non valorisées, qu'il s'agisse de végétaux, d'algues, de bois ou de déchets d'origine animale, explique Denis Rho. Nous développons des circuits pour extraire ces matières de manière écologique et les réutiliser dans de nouveaux produits. » Dans le cadre de ce projet, des chercheurs et des ingénieurs du CNRC et du Département de génie physique de Polytechnique, à Montréal, récupèrent diverses matières pour produire de l'électronique verte, concevoir de nouveaux produits et tester leur aptitude au compostage une fois qu'ils atteignent leur fin de vie utile.

Une ressource océanique pour favoriser le compostage

L'équipe de recherche collaborative du CNRC s'intéresse au temps de dégradation, exprimé en demi-vie, des matériaux écologiques et à l'efficacité du processus. Ses travaux visent à accélérer la vitesse à laquelle le microbiome du compost décompose les matériaux et réduit la durée de leur séjour dans l'écosystème industriel. Grâce à des procédés de conception pour normaliser la biodégradabilité des composants électroniques, le compostage deviendra une solution au site d'enfouissement pour disposer de ces produits.

L'équipe du projet est parvenue à se procurer de l'eumélanine, soit le pigment qui donne sa couleur à l'encre de seiche, de source naturelle, et à faire des essais pour voir si elle convient pour fabriquer des composants électroniques organiques biodégradables. L'eumélanine est une substance non toxique pour l'environnement idéale pour évaluer le potentiel de l'électronique organique durable et de ses composants.

« Aux fins de notre recherche, nous avons extrait le pigment contenu dans l'encre en laboratoire pour étudier ses comportements et propriétés électroniques. Nous avons ensuite enfoui nos échantillons dans un compost spécialement élaboré mis à incuber pendant 100 jours à 58 °C dans des bioréacteurs à l'installation de compostage du CNRC où nous avons surveillé leur biodégradation », a ajouté le chercheur.

L'électronique organique verte est un nouveau domaine pour lequel il n'existe encore aucune norme nationale ou internationale pour ce qui est de la biodégradabilité des matériaux à la fin de leur vie dans des installations de gestion des déchets organiques industriels. Le projet mené en collaboration par le CNRC et Polytechnique est le premier à fournir des données aux organismes de réglementation canadiens et internationaux pour qu'ils puissent établir une première série de lignes directrices et de protocoles d'essais.

Préparer l'avenir

Dans les prochaines étapes du projet de recherche, M. Rho souhaite étudier d'autres types de compost qui abrite des communautés microbiennes différentes.

L'étude des propriétés biodégradables de ces nouveaux écomatériaux ne constitue toutefois qu'un aspect du travail du chercheur. L'installation de compostage que supervise Denis Rho est aussi au cœur d'un projet de collaboration unique en son genre entre le CNRC et Xerox Canada. Sous la direction d'Alexis Laforgue, chercheur au Centre de recherche sur l'automobile et des transports de surface du CNRC, et Naveen Chopra, du Centre canadien de recherche Xerox, l'équipe de ce projet travaille à concevoir des piles biodégradables et non toxiques.

Dans les installations du Centre de recherche en développement des cultures et des ressources aquatiques, Denis Rho étudie également le chimiotropisme, soit la colonisation de matières solides par des micro-organismes qui les dégradent naturellement durant le processus de compostage. « L'action de ces micro-organismes favorise un compostage de deuxième génération qui s'inspire essentiellement de la nature », explique-t-il.

Une compréhension plus fine du microbiome du compost pourrait permettre de découvrir de nouveaux microbes avant des capacités enzymatiques et de favoriser la biodégradation efficace des dispositifs de stockage d'énergie.

M. Rho n'hésite pas à souligner l'importance de ses recherches pour les générations à venir. Les travaux qu'effectue son équipe aujourd'hui dans ce domaine seront déterminants pour la capacité des villes et des collectivités de s'épanouir dans le monde et la nature qui nous entourent.