Un biocapteur quantique offre une nouvelle vision du cerveau

- Ottawa, Ontario

 Vue latérale d'un chariot dans un laboratoire, contenant les éléments du biocapteur enfermés dans un boîtier métallique.
La version actuelle du biocapteur quantique est prête pour des tests plus poussés.
Photo : Université Western

Dans la salle d'opération, une chirurgienne cardiaque vient de commencer une intervention à cœur ouvert. À côté de la table d'opération, un petit chariot abrite un minuscule émetteur laser orienté vers le cerveau du patient. Pendant l'opération, l'appareil envoie des rayons à travers le crâne du patient, permettant de surveiller son activité cérébrale et de détecter les problèmes sur-le-champ. L'équipe clinique peut ainsi intervenir rapidement pour éviter les dommages.

Le monitorage neurologique mobile constitue une toute nouvelle application des capteurs quantiques. Mis au point initialement pour les communications quantiques et d'autres applications en physique quantique, les capteurs de photons uniques ont le potentiel d'améliorer la navigation et pourraient servir dans d'autres domaines, comme l'imagerie médicale, les levés géologiques, la défense, la sûreté et la sécurité.

En médecine, cet outil non invasif peut être utilisé pour guider les chirurgiens lors d'interventions cliniques comme la chirurgie cardiaque ou l'endartériectomie carotidienne, lesquelles peuvent causer des lésions cérébrales. Il permettra ainsi de sauver des vies.

« Sa capacité à résoudre des problèmes cliniques pourrait ouvrir la voie à des applications que nous ne pouvons même pas envisager tant qu'il ne suscitera pas, chez ses utilisateurs, de nouvelles idées novatrices, affirme Mamadou Diop, professeur agrégé au Département de biophysique médicale à l'École Schulich de médecine et de dentisterie de l'Université Western, et chercheur au Lawson Health Research Institute. Cela démontre l'importance d'investir dans la science fondamentale, car on ne sait jamais ce qui peut en résulter. »

Dans un laboratoire, une femme et un homme sourient devant un chariot contenant des câbles, des écrans et d'autres équipements électroniques.
Natalie Li (à gauche) et Mamadou Diop (à droite), à côté de la première version du biocapteur quantique.
Photo : Université Western

En sa qualité de chef de projet pour la recherche visant à perfectionner le monitorage neurologique mobile grâce à la technologie quantique, M. Diop travaille avec des experts en communications quantiques et en physique quantique du Conseil national de recherches du Canada (CNRC) et de l'Université de Waterloo. Cette collaboration tripartite est essentielle à la réussite du projet, car chacun y apporte des éléments disparates, mais essentiels.

Le financement du projet est assuré dans le cadre du programme Défi « Internet des objets : capteurs quantiques » du CNRC, piloté par Aimee Gunther. « Cette application révolutionnaire est un excellent exemple de collaboration créative qui apporte des améliorations de plusieurs ordres de grandeur par rapport aux technologies existantes et qui peut changer la vie des gens ».

La sensibilité avant tout

Le métabolisme cérébral est un indice fiable de la santé du cerveau. Les capteurs quantiques offrent un aperçu du cerveau que les techniques d'imagerie traditionnelles ne permettent pas de voir.

La technique de pointe utilisée de nos jours pour mesurer l'activité métabolique des cellules tissulaires utilise une substance radioactive appelée « traceur ». Avec cette méthode — la tomographie par émission de positrons (TEP) —, les patients auxquels on a injecté le traceur sont examinés à l'aide d'un tomodensitomètre TEP. Or, comme le traceur doit être stocké et transporté dans des conteneurs spéciaux, l'utilisation de cette méthode est complexe, longue et coûteuse.

Les biocapteurs quantiques permettent de surveiller le métabolisme oxydatif cérébral en temps réel, au chevet du patient, à l'aide d'un laser dirigé vers le cerveau. Ils peuvent par ailleurs être déployés dans des zones peu accessibles, et leur application coûte au moins 10 fois moins cher que la TEP.

Duncan England, agent de recherches au sein de l'équipe de photonique quantique ultrarapide du CNRC, souligne que les caméras de ces capteurs peuvent détecter des photons individuels, les plus petites particules de lumière. Constitués de nanofils supraconducteurs, les capteurs mesurent la lumière avec une sensibilité et une rapidité incroyables, et ce, dans une gamme de fréquences inégalée. Et comme la détection au niveau du photon unique est si sensible, elle est plus sûre pour le patient.

Duncan England, portant des lunettes de protection dans un laboratoire sombre, sourit au-dessus d'un assemblage d'équipements sur une table de laboratoire.
Duncan England, dans le laboratoire de photonique quantique ultrarapide du CNRC.

« Lorsque l'on projette un rayon à travers le crâne, la majeure partie de la lumière se perd dans le transfert, explique M. England. Les capteurs quantiques peuvent récupérer ce qui reste et le renvoyer à la caméra émettrice en quelques secondes pour ainsi produire des images de haute résolution ».

Ces capteurs font passer la vitesse d'échantillonnage de l'appareil d'une minute à moins d'une seconde. Dans un contexte de surveillance du cerveau, cela peut faire la différence entre la vie et la mort.

Thomas Jennewein et son équipe de l'Université de Waterloo ont conçu l'interface de données et le logiciel qui permettent à ce biocapteur de fournir rapidement et efficacement des données d'imagerie ultrarapides, ce qui est essentiel pour fournir l'information voulue en temps réel.

« C'était formidable de voir des technologies mises au point pour les communications et l'imagerie quantiques s'appliquer au domaine passionnant de la détection biomédicale, déclare-t-il. Il est très stimulant de travailler sur un projet qui aidera un jour à sauver des vies ».

Travaux de laboratoire et prochaines étapes

Deux hommes sourient dans un laboratoire devant un chariot contenant des câbles, des écrans et d'autres équipements électroniques.
Thomas Jennewein (à gauche) et Mamadou Diop (à droite), devant la première version du biocapteur quantique.
Photo : Université Western

Dans son laboratoire de l'Université Western, M. Diop utilise des « fantômes imitant la tête » en 3D pour valider l'appareil. Ces têtes réalistes imitent les tissus et la structure du crâne.

La prochaine étape consiste à prouver que l'appareil peut fonctionner efficacement dans une situation physiologiquement pertinente en l'utilisant chez des porcs vivants, dont la tête est d'environ la même taille que celle de l'humain. Les dernières étapes consistent à tester l'appareil chez des volontaires humains en bonne santé, puis à mener la première étude clinique pilote chez l'humain.

M. Diop estime qu'il faudra environ 3 ans pour que le capteur soit prêt à être produit et commercialisé par l'industrie et, en fonction du financement, 6 à 10 ans de plus pour qu'il devienne disponible sur le marché.

M. Gunther souligne que le CNRC est à la fine pointe de l'application de la photonique quantique aux biocapteurs. « Nous nous attendons à ce que la poursuite de la collaboration en R-D entre les experts des sciences quantiques et d'autres domaines permette d'accélérer la commercialisation des technologies quantiques et leur adoption ».

Ce projet bénéficie de subventions et de contributions accordées dans le cadre du Programme de collaboration en science, en technologie et en innovation, administré par le Bureau national des programmes du CNRC. Pour en savoir plus, envoyez un courriel à NRC.QuantumSensors-CapteursQuantiques.CNRC@nrc-cnrc.gc.ca.

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