Les barrages flottants à déploiement rapide améliorent le nettoyage des déversements d’hydrocarbures en mer

- Ottawa, Ontario

Les chercheurs du CNRC étudient des barrages flottants qui recourent à une technologie nouvelle qui pourrait nous aider à dépolluer plus aisément les mers, les lacs et les fleuves.

Essai en 2D de barrages flottants pour confiner les déversements d'hydrocarbures dans le grand canal à houle de GOCF, on voit le pétrole (en rouge) et l'eau s'écoulant de droite à gauche. La nappe de pétrole en surface est ralentie par une série de grillages, puis contenue par le barrage principal. L'eau propre continue à descendre en aval au-delà du barrage.

Ils ont fait la une des journaux du monde entier : des loutres, des tortues et des oiseaux de mer couverts de pétrole, témoignage des sérieux dommages que les marées noires, ces déversements accidentels d'hydrocarbures, causent à l'environnement en poissant eaux et rivages. Les opérations de nettoyage ont tendance à échouer entre les mains de la garde côtière et des autorités dont les efforts sont compliqués par les vents, les courants et la houle qui étalent, morcellent et dispersent la nappe.

Combattre ces déversements toxiques est un défi aussi laborieux que dispendieux. Des barrages flottants contiennent et concentrent les hydrocarbures qui surnagent, pendant que des dispositifs mécaniques (écumoires) les récupèrent à la surface de l'eau pour les transvider dans des systèmes de stockage temporaire accueillant pétrole et eau jusqu'à ce que ceux-ci puissent être éliminés sans danger. La plus grande marée noire de l'histoire (celle de la plateforme de forage Deepwater Horizon, dans le golfe du Mexique), par exemple, a coûté au-delà de 65 milliards de dollars en nettoyage, amendes et pénalités à la British Petroleum, qui en était propriétaire. Bien que le drame soit survenu en 2010, il se peut que certains écosystèmes ne s'en remettent jamais, sur la côte, le long du golfe.

Pour Steve Potter, directeur général de la station de recherche environnementale SL Ross, à Ottawa, les barrages actuellement en usage ne réussissent à piéger le pétrole que dans des eaux qui se déplacent lentement, soit à une vitesse d'environ 1 nœud (moins de 2 kilomètres à l'heure). « Pour mieux réagir en pareille situation, il faudrait une nouvelle technologie, efficace dans des eaux à débit plus rapide, quelles que soient les conditions météorologiques », déclare-t-il.

L'occasion de mettre au point cette technologie est venue du Bureau of Safety Environmental Enforcement (BSEE), une agence gouvernementale américaine qui se consacre à l'amélioration de la détection, du confinement, du traitement et du nettoyage des déversements de pétrole. En effet, après avoir compris qu'il fallait créer et évaluer de nouveaux types de barrage, capables d'accélérer les opérations, Kristi McKinney, gestionnaire du programme de recherche du BSEE, a lancé un appel à projets aux chefs de l'industrie.

Simulation en 2D de la dynamique numérique des fluides du même cas décrit ci-dessus avec du pétrole et de l'eau s'écoulant de droite à gauche. Les couleurs indiquent le débit horizontal de l'eau. Le bleu indique un débit d'eau élevé et le rouge un débit plus lent, ce qui montre que les grillages ralentissent le débit de l'eau de surface. Ainsi, le barrage principal réussit à contenir le pétrole.

« Quand nous avons pris connaissance de la demande de propositions, nous savions que nous n'avions pas les moyens de mener un tel projet à bien, à l'interne », confesse M. Potter. « Comme nous avions déjà recouru à ses installations, nous nous sommes dit que le Conseil national de recherches du Canada (CNRC) serait le partenaire idéal. » Le projet de SL Ross et du CNRC est finalement celui qui a été retenu, grâce à l'intime connaissance que le premier avait des moyens de lutte contre les marées noires et aux installations d'essai ainsi qu'à l'expertise en modélisation technique et hydrodynamique du second. Le savoir-faire exceptionnel rassemblé par les 3 organisations a permis au projet d'aller rondement de l'avant.

Des barrages mieux pensés grâce à la collaboration scientifique

Le CNRC et SL Ross ont démarré leurs recherches par un dépouillement exhaustif de tout ce qui avait été écrit sur la science et la technique des dispositifs anti-marée noire, surtout leur usage dans les eaux à débit rapide. Ensuite, le CNRC a procédé à une vaste série de simulations bi et tridimensionnelles sur ordinateur, de même qu'à de nombreuses expériences avec des maquettes. Ces travaux devaient préciser la performance de plusieurs nouveaux barrages novateurs dans des eaux qui coulent rapidement, en présence d'une quantité variable d'hydrocarbures légers, d'huile à viscosité moyenne ou de pétrole lourd.

« Jusque-là, nous n'avions jamais appliqué des simulations numériques à de tels problèmes », explique Andrew Cornett, chercheur principal au Centre de recherche en génie océanique, côtier et fluvial du CNRC. « Nous ignorions donc si cela fonctionnerait. Nous ne savions pas dans quelle mesure les modèles à l'échelle seraient efficaces. On ne les avait encore jamais utilisés pour cela. »

Heureusement, grâce aux commentaires du BSEE et de SL Ross, le CNRC a acquis les compétences voulues. En portant les simulations numériques à la limite de leurs capacités, les chercheurs ont vite obtenu des résultats aussi réalistes qu'utiles, sans que leur coût devienne prohibitif. Ils ont bâti la maquette au huitième de 3 barrages flottants, puis l'ont testée aux installations de recherche du CNRC à Ottawa, ce qui a abouti à des données fiables et permis une analyse comparative de l'efficacité de chacun. « Combinées, la simulation sur ordinateur et la modélisation à l'échelle constituent une méthode beaucoup plus rapide et économique pour évaluer un nouveau concept que les essais grandeur nature dans des conditions réelles », affirme M. Cornett.

La modélisation sur ordinateur et en laboratoire a fait ressortir le potentiel de plusieurs barrages prometteurs avec lesquels on récupérerait les hydrocarbures 3 fois plus vite que les technologies actuelles. Cependant, les idées neuves doivent aussi être réalisables et pratiques. C'est que, parce qu'il est déployé à partir d'un navire, le barrage flottant doit être assez compact pour que l'on puisse l'amarrer sur le pont. En cas d'urgence, ils doivent être sortis rapidement, soit par des marins sur de petits remorqueurs, soit par des machines sur de grands navires.

Changer de voie et filer droit devant

« Bien que les technologies mentionnées ne soient pas encore prêtes à être exploitées commercialement, nous voudrions pousser la recherche davantage en vue d'établir la viabilité des perfectionnements apportés aux barrages flottants », estime M. McKinney. « Des recherches approfondies nous diraient à quel degré les résultats des essais à petite échelle prédisent la performance exacte du produit de taille normale. »

L'étape suivante consistera à créer un prototype et à le tester dans des conditions réelles. Après leur validation grâce aux essais à l'échelle normale et aux essais sur le terrain, les nouveaux barrages nous permettront de mieux réagir aux marées noires et d'en atténuer les conséquences dans les lacs, les fleuves et les océans.

« Le CNRC est enchanté de collaborer de façon aussi inventive avec des partenaires d'un tel calibre en vue de résoudre un problème majeur pour l'environnement », conclut M. Cornett. « Et par son caractère transformationnel, cette solution pourrait avoir un impact partout sur la planète. »

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