À marée basse, dans la baie de Fundy, le jusant découvre des îlots et les embarcations s'échouent sur le plancher marin, 16 mètres plus bas. Cette variation de profondeur — jusqu'au double de la hauteur d'une maison de 2 étages — n'a aucun équivalent dans le monde. Plus impressionnante encore est la force du courant, qui suscite tant d'intérêt chez les ingénieurs et les scientifiques spécialistes des énergies renouvelables.

Tous les jours, la marée déplace 640 milliards de tonnes d'eau dans la baie, soit 16 fois plus que le volume des fleuves de la planète réunis. Les courants qu'engendre le va-et-vient d'une telle quantité d'eau comptent aussi parmi les plus puissants et les plus dangereux sur Terre, et peuvent atteindre une vitesse d'un maximum de 18 km/h. Leur force provoque un effet de ballottement qui fait gonfler puis refluer l'eau et laisse entrevoir un immense potentiel énergétique. Le problème consiste à se rendre maître de ce potentiel.
Une équipe constituée de membres du programme Océans, au Centre de recherche en génie océanique, côtier et fluvial, et de l'Université Dalhousie, nous aide à mieux comprendre les forces que devra supporter une turbine dite « marémotrice en eau vive ». Les universitaires du groupe sont subventionnés par l'Ocean Frontier Institute dans le cadre de son Ocean Graduate Excellence Network (OGEN).
Les remous dans la baie compliquent encore les choses. En effet, l'eau n'y coule pas uniformément comme elle le ferait du haut d'une chute. Son écoulement ressemble plutôt à ce qui survient au pied de celle-ci, où l'eau roule et tourbillonne. Les turbulences de ce genre exercent sur les pales de la turbine un stress qui les tord puis les plie, et évolue en l'espace de quelques secondes. C'est pourquoi les courants dans la baie de Fundy ont la déplorable réputation d'arracher les ailettes des turbines.
« Nous voulions remédier au manque de recherches sur les contraintes que subit la turbine, car de telles données faciliteraient la conception des turbines marémotrices de demain. Le CNRC a mis sur pied un programme consacré à l'énergie marine. Nous nous efforçons d'innover et sommes disposés à épauler la population ainsi qu'à faire croître l'industrie », explique Julien Cousineau, ingénieur de recherches au CNRC.
Dominic Groulx, qui enseigne au département de génie mécanique à l'Université Dalhousie, et son équipe ont modélisé la performance des turbines à l'ordinateur à partir des données sur les courants de la baie de Fundy recueillies par les océanographes de l'université. « Ce modèle prévoit le fonctionnement des turbines dans des situations réalistes, une étape capitale si on veut en concevoir de plus robustes », poursuit M. Groulx. Le modèle tient compte des remous dans la baie et de la variation de pression le long de la turbine.
L'équipe du projet souhaite maintenant bâtir la maquette à l'échelle d'une turbine puis s'en servir dans le bassin à houle côtière du CNRC pour produire des vagues et des courants en vue de comparer les résultats du modèle informatique à ceux obtenus en laboratoire. « Il s'agit d'une étape essentielle pour valider le travail théorique réalisé avec le modèle sur ordinateur et s'assurer que la turbine fonctionnera bien de la façon prévue, dans des conditions réelles », explique M. Groulx.
L'énergie des marées s'avère particulièrement intéressante en raison de sa stabilité, impossible à retrouver dans les autres sources d'énergie renouvelable. « Les marées sont aussi prévisibles que les aiguilles d'une horloge. Nous savons exactement quelle hauteur elles atteindront dans 500 ans, n'importe où sur la Terre », rappelle le chercheur. Contrairement au vent ou à l'énergie solaire, qui varient et qu'on peut difficilement prévoir longtemps à l'avance, c'est l'immuabilité des marées qui rend leur énergie si utile dans l'assortiment canadien des énergies renouvelables. En outre, l'énergie des marées pourrait d'ores et déjà être exploitée à maints endroits au pays.
« Ce projet ne me concerne plus uniquement, moi et l'étudiant au doctorat que j'encadre, au laboratoire. Des gens du CNRC, qui savent très bien ce qu'ils font, sont arrivés en renfort et notre association donnera naissance à une plus grande et vaste équipe, où se bousculeront un tas de points de vue. Nous nous poserons d'autres questions et verrons les résultats des recherches sous un angle différent. Or, une équipe plus importante et plus variée, comme tout le monde sait, nous amènera à en tirer beaucoup plus d'un projet, chacun voyant les choses légèrement autrement. »
Capsules
- L'énergie marémotrice est une source d'énergie renouvelable. C'est aussi une des énergies renouvelables les plus stables qui soient, car les marées vont et viennent 2 fois par jour d'une manière très prévisible, contrairement à l'énergie éolienne, qui fluctue avec la force du vent.
- Le Canada possède les plus longues côtes de la planète, si bien que de nombreux endroits pourraient servir à la production d'énergie marémotrice. En outre, la baie de Fundy, au Canada elle aussi, connaît les plus hautes marées au monde, donc présente les possibilités idéales en ce qui concerne la production d'énergie.
- Chaque jour, la marée déplace 640 milliards de tonnes d'eau à travers la baie de Fundy, soit 16 fois plus que tous les fleuves de la Terre réunis.
- Les turbines marémotrices en eau vive, qui ressemblent étrangement aux éoliennes, supportent des forces sous-marines au moins 1 000 fois plus importantes que celles auxquelles doivent résister les éoliennes. Des chercheurs du CNRC et de l'Université Dalhousie collaborent pour étudier les forces que la marée exerce sur les turbines dans la baie de Fundy afin de fournir aux ingénieurs qui les conçoivent les informations qui leur sont nécessaires.
- Le modèle informatique des turbines sera jumelé à des modèles physiques à l'échelle, qu'on testera au bassin à houle côtière du CNRC pour reproduire à l'identique la véritable turbine.
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